Deux enseignantes veulent mettre en avant les artistes de demain
Manifestation
Nouvel événement à Estavayer-le-Lac. Deux enseignantes veulent mettre en avant les artistes de demain
Deux enseignantes, Valentina Ruggiero et Bao-Nghi Tuy, inaugurent ce samedi l’Artofflight à la salle de la Prillaz, à Estavayer-le-Lac. L’événement a l’ambition d’offrir une scène aux jeunes artistes romands, qu’ils s’expriment par la musique ou par les arts visuels.
«Qui t’a dit que la Suisse dormait?» La question, à la fois piquante et stimulante, est posée par l’enseignante primaire bulloise Bao-Nghi Tuy, épaulée par sa consœur broyarde Valentina Ruggiero. Amies de longue date, elles conjuguent désormais leurs ambitions pour faire naître Artofflight, un projet audacieux qui mêle musique et arts visuels dans un élan créatif résolument contemporain.
La salle de la Prillaz, à Estavayer-le-Lac, vibrera samedi aux sons et aux couleurs d’une vingtaine d’artistes romands aux univers aussi divers que singuliers. «Notre programmation mettra en lumière aussi bien les multiples facettes de la musique urbaine, présentées sous forme de showcases d’une dizaine de minutes, qu’une expression visuelle affranchie, portée par une exposition en salle au plus près des artistes», souligne Valentina Ruggiero. «Verre brisé, linogravure, upcycling: ce sont autant de pratiques insolites, souvent méconnues du grand public, qui viendront élargir l’horizon des curieux.»
Une visibilité difficile à acquérir
Plus qu’une simple vitrine d’art moderne, Artofflight se veut un tremplin pour des créateurs encore peu habitués aux projecteurs. Un parti pris qui résonne avec le nom de l’événement, né d’un constat personnel amer: il demeure ardu de se faire un nom lorsque l’on est artiste sur sol helvétique. «Nous n’avons pas forcément d’explication précise à cette situation, regrette Bao-Nghi Tuy, elle-même chanteuse de RnB love sous le nom de BAONY. Nous sentons que la Suisse bénéficie d’un rayonnement artistique bien moindre que la France. En plus des barrières de la langue, tout semble prendre plus de temps, et cette lenteur finit par reléguer dans l’ombre de jeunes talents qui mériteraient d’être révélés.»
Pour y remédier, les deux amies ont esquissé une formule simple, inspirée d’événements régionaux comme l’Esteel à Bulle ou plus récemment le Portaz Open Air à Portalban. Leur ambition: créer un véritable espace d’expression à travers un rendez-vous, au caractère intimiste, tout en renforçant la présence numérique des artistes retenus. Chaque participant bénéficie ainsi d’un clip vidéo d’une minute environ, mêlant brèves interviews et extraits, pour dévoiler son univers et mettre en avant son talent.
Lancé presque à tâtons, le concept a rapidement franchi les frontières cantonales. Le tout premier appel à candidatures, publié sur Instagram en mars, a généré plus de 300 commentaires en l’espace de quelques semaines seulement – un succès inattendu pour ses initiatrices. «Nous nous attendions à quelques partages, mais certainement pas à un tel engouement, reconnaît Valentina Ruggiero. Une bonne centaine d’artistes nous ont été recommandés par des amis ou des proches, et plusieurs nous ont même contactées directement par message privé. C’était incroyable.»
Les sponsors manquent à l’appel
Cet engouement a naturellement conforté les deux Fribourgeoises dans leur démarche. Restait toutefois à mettre sur pied ce concept ambitieux, malgré leur manque d’expérience dans l’événementiel. «C’était un vrai défi, raconte la Broyarde. Bao a pris en charge la direction artistique, tandis que j’ai assuré la communication et le volet organisationnel. Et c’est là que nous avons réalisé à quel point il est difficile de se faire une place dans ce milieu quand on débute.»
Plus que des procédures à répétition, Valentina Ruggiero déplore surtout la difficulté à obtenir des soutiens financiers. Une dizaine d’entreprises ont été sollicitées, sans réponse concluante. Le budget, estimé à 6000 francs, repose donc entièrement sur les épaules des deux enseignantes – malgré quelques aides précieuses venues alléger la facture. «Nous avons pris ce risque avec l’appui de nos proches et de nos amis. Une vingtaine d’entre eux assureront des tranches horaires comme bénévoles, y compris certaines tâches de sécurité. Nous avons aussi pu compter sur un monteur vidéo, Cesare Bordoli, qui a, lui aussi, réalisé bénévolement la production des clips», se réjouit Bao-Nghi Tuy.
Elles nourrissent l’ambition de pérenniser leur événement, jusqu’à l’exporter dans d’autres salles à travers la Romandie
Les principaux ingrédients étant réunis, il ne reste plus qu’à attirer le public. Une centaine de billets à 15 francs ont déjà trouvé preneur, sur les quelque 500 places disponibles. Un quota modeste, certes, mais jugé encourageant pour une première édition. «Nous nous sommes basées sur la capacité de la Prillaz, explique Valentina Ruggiero. Cette estimation nous paraissait raisonnable, au moins pour offrir une certaine visibilité aux artistes programmés tout au long de la journée. Nous verrons ensuite si nous parvenons à équilibrer le budget, entre la billetterie et la petite restauration.»
En ce sens, les deux Fribourgeoises misent gros sur cette première édition d’Artofflight. Elles nourrissent l’ambition de pérenniser leur événement, jusqu’à l’exporter dans d’autres salles à travers la Romandie. Les premiers retours d’artistes intéressés laissent d’ailleurs entrevoir une nouvelle édition – à condition, bien sûr, que le public se laisse lui aussi séduire par le concept et les artistes. Le pari est lancé.
Miillyrose, La Haine et Nezma
C’est une vingtaine d’artistes qui ont inscrit leur nom sur l’affiche de cette première édition d’Artofflight. De 17 h 30 à 19 h 30, les visiteurs pourront voir le travail notamment de Skaro (photo, vidéo), Kis (verre cassé), Kaiva World (peinture) et Crisalie (peinture, linogravure). Les showcases s’enchaîneront ensuite dès 20 h. Ce sera l’occasion d’écouter Miillyrose (un Payernois évoluant dans la soul et le funk), La Haine (du rap et de la trap venus de Marly), BAONY (du RnB love façonné à Bulle), Nezma (du RnB et du hip-hop de Belfaux) et Missgrace (du RnB et de l’afro fabriqués à Fribourg). Il y aura également de la danse avec Anh Thu. Vers 22 h 30, DJ Fred’x prendra le relais pour ambiancer la fin de la soirée.